• La grande précarité des salariés des péages d'autoroutes

    La grande précarité des salariés des péages d'autoroutes<o:p></o:p>

    LE MONDE | 04.03.08 | 14h53  •  Mis à jour le 04.03.08 | 14h53<o:p></o:p>

    Pendant cinq ans, Monique Krauss a exercé une profession intimement liée aux images de départs en vacances : receveuse dans une gare de péage, du côté de Villars-sous-Ecot (Doubs). Mais ses conditions de travail n'ont pas vraiment été de tout repos. Recrutée par la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), elle a souvent remplacé des collègues au pied levé. Une disponibilité de tous les instants récompensée par une profusion de contrats à durée déterminée (CDD) et de missions d'intérim : 401, au total, entre le 1er avril 2001 et le 31 mars 2006.<o:p></o:p>

    Un jour, trouvant que son employeur avait allégrement piétiné la loi, Monique Krauss a saisi la justice. Avec succès : le 18 décembre 2007, la cour d'appel de Besançon a condamné APRR à lui verser un peu plus de 57 000 euros d'indemnités et de dommages-intérêts, un montant supérieur à celui accordé en première instance. <o:p></o:p>

    Depuis plusieurs années, certaines sociétés d'autoroutes sont attaquées devant les tribunaux pour avoir abusé des CDD dans leurs gares de péage. Six nouveaux dossiers devraient être déposés au conseil des prud'hommes de Dijon en début de semaine prochaine, selon Thomas Novalic, juriste à Force ouvrière. "Ils concernent des receveurs qu'APRR a employés pendant trois à six ans. L'un d'eux avait conclu 278 CDD", précise-t-il. Le 21 décembre 2007, Cofiroute avait été condamnée à verser un total de 83 000 euros d'indemnités à sept anciens péagers - dont l'un avait signé 73 CDD entre 2003 et 2006. Onze mois plus tôt, la même société avait écopé d'une sanction encore plus lourde : environ 130 000 euros pour quatre ex-salariés, rappelle Alain Manoury, responsable de la section CFTC-Cofiroute.<o:p></o:p>

    Certains litiges ont été résolus sans passer par les prud'hommes, l'entreprise et le salarié parvenant à s'entendre sur un dédommagement. Maurice, 54 ans, qui témoigne sous un prénom d'emprunt, raconte avoir empilé "218 embauches à durée déterminée" entre la mi-décembre 2000 et le 23 janvier 2005 lorsqu'il travaillait à APRR. Quelques jours avant l'audience au conseil des prud'hommes, son ancien employeur lui a proposé "une transaction financière" : en échange de l'abandon des poursuites, Maurice a touché "une somme assez importante".<o:p></o:p>

    "TRAITÉS COMME DES KLEENEX"<o:p></o:p>

    Pour justifier le recours aux contrats précaires, les sociétés d'autoroutes mises en cause ont souvent invoqué leur "mission de service public" qui impose de "fonctionner en continu". "Nous avons pris des CDD, essentiellement pour compenser les absences de péagers en CDI, explique le directeur juridique d'une société, sous couvert d'anonymat. C'était parfaitement licite." D'autres enseignes ont également fait appel à de la main d'oeuvre temporaire lorsque le trafic autoroutier devenait plus dense (week-ends, vacances scolaires). Mais des centaines de salariés ont été cantonnés dans ces statuts pendant plusieurs années de suite. Jusqu'au jour où l'entreprise a fait de moins en moins appel à eux, notamment parce que la diffusion des automates aux gares de péages permettait de réduire la présence humaine. S'estimant "traités comme des Kleenex", des receveurs se sont rebellés. Les contentieux ont fleuri. Saisie d'une affaire qui concernait la société Autoroutes du sud de la France (ASF), la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt rendu le 26 janvier 2005, que "l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux (CDD) de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre".<o:p></o:p>

    Sur la période récente, de telles dérives ont surtout été relevées à APRR et à Cofiroute. Chez ASF, le recours aux CDD ne semble plus poser de problème, d'après Bernard Jean, délégué syndical CGT. La société AREA, elle, a conclu un accord pour contenir le nombre de CDD : lorsqu'elles s'absentent, les personnes en 2 × 8 et en 3 × 8 sont remplacées par des salariés "en temps partiel annualisé", explique Christian Bel dit Berbel, délégué syndical CFDT. Mais depuis quelque temps, l'intérim a tendance à se développer, déplore-t-il.<o:p></o:p>

    Cofiroute a, elle aussi, signé un accord avec les syndicats qui vise à limiter l'emploi de CDD. Les péagers titulaires d'un CDI sont invités à remplacer leur collègue quand il s'absente. Fondées sur la base du volontariat, ces "astreintes rémunérées" ont été acceptées par un peu plus de 100 salariés, indique Stéphane Gérard, directeur des ressources humaines. <o:p></o:p>

    Bertrand Bissuel<o:p></o:p>

    Article paru dans l'édition du 05.03.08.

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