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PRECAIRES Un inspecteur du travail dénonce les pratiques patronales
Journal l'Humanité
Rubrique Politique
Article paru dans l'édition du 15 mai 2002.
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Ne parlez pas dentreprise citoyenne à Gérard Filoche, inspecteur du travail, il vous rira au nez. " Les textes eux-mêmes disent le contraire : le contrat de travail instaure un "lien de subordination" entre le salarié et son employeur ". " Pour nous, cest de lesclavage ", disent couramment les salariés précaires. " Il faut des quotas de contrats à durée déterminée et dintérimaires ", prône Filoche, qui veut bien accepter cette " concession aux entreprises et au capitalisme " à condition quelle soit cadrée. " 5 % à partir de 20 salariés et avec lautorisation de linspection du travail ", précise-t-il. Il veut aussi majorer lintérim " depuis quun patron dune boîte dintérim ma félicité pour la majoration des CDD qui lui permettait de remporter plus de marchés ". 950 000 CDD, 650 000 intérimaires, les salariés précaires représentent 9 % des salariés. En réalité, beaucoup plus : ces chiffres ne comprenant pas les salariés à temps partiel, femmes dans leur immense majorité. " Un rapport que jai réalisé pour le Conseil économique et social en novembre dernier montre que les salariés précaires sont ceux qui ont le plus daccidents du travail ", révèle-t-il encore. Les entreprises abusant des précaires figurent aussi en tête du palmarès de la chasse aux syndicalistes. Abdel (Pizza Hut) a été licencié deux fois en un an, Rachid (McDo) ne compte plus les tentatives de sa direction pour le faire déguerpir. Dernier en date, Karim Rahmani, délégué du personnel CGT à Disneyland, sous le coup dune procédure de licenciement pour " absences injustifiées ". Linspecteur du travail dont il dépend lui a demandé de réunir des attestations de salariés pour prouver quil est " un militant actif ". Cette demande fait bondir Gérard Filoche, qui la juge " absolument inappropriée ". " Ce nest pas à lui de prouver quil fait bien son boulot ", sénerve linspecteur, " sans pitié pour la faiblesse " de son confrère. Et que lon ne lui parle pas de pressions. " Nous sommes indépendants ", clame-t-il. Pourtant, les troupes sont maigres : à peine 432 inspecteurs pour 15 millions de salariés, soit moins quau début du siècle dernier. " Un patron sur deux est un délinquant ", a déclaré publiquement linspecteur Filoche il y a quelques années. " En réalité, beaucoup plus ", répond-il à ceux qui sémeuvent de cette accusation. " Un patron qui ne paye pas les heures supplémentaires est un voleur, celui qui ne respecte pas le droit syndical est un délinquant ", précise-t-il. Mais sur 1 million dinfractions constatées en moyenne chaque année, à peine 270 000 sont consignées dans un procès-verbal, le procureur classant sans suite les trois quarts. Pour les délits dentrave, cest la poubelle garantie, à moins quun syndicat se porte partie civile, ce qui interdit de le classer. " Cest pour ça que les patrons veulent se débarrasser des délégués ", analyse linspecteur. " · peine 2,5 % de lactivité des tribunaux répressifs est consacrée au droit du travail, et peu de juges osent mettre les patrons en prison ", semble regretter notre interlocuteur. Cest à cause de cette impunité que des salariés comme Karim Rahmani sont menacés de licenciement. Au nom du réseau Stop Précarité, Bernard Hasquenoph a écrit à linspecteur du travail pour lui dire sa certitude que Karim " paie pour son militantisme désintéressé, son ardeur à défendre les intérêts des salariés et son courage à témoigner publiquement, dans la presse et à la télé, des pratiques douteuses et illégales " de son entreprise. Le réseau somme le représentant de lÉtat de ne pas sassocier " à cette chasse aux sorcières systématique que mène la direction de Disneyland. "
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