Propos recueillis par Keren Lentschner et Anne-Laure Julien
08/12/2007 | Mise à jour : 00:17 |
.
Jean-François Roverato revient sur la démission «pour raison personnelle» de Benoît Heitz de la direction d'Eiffage.
LE FIGARO.
Pourquoi Benoît Heitz a-t-il quitté ses fonctions si précipitamment ?Jean-François ROVERATO. Benoît Heitz, qui a pris la direction générale du groupe en avril, est rapidement arrivé à la conclusion quil ne pouvait simpliquer personnellement dans ses fonctions comme il le lui aurait paru nécessaire sans mettre en cause sa vie personnelle. En particulier, lactionnariat salarié, qui fait loriginalité dEiffage depuis dix-huit ans, demande beaucoup de présence, découte et dattention. Ce qui rend le rôle de directeur général très prenant. Benoît Heitz, le conseil dadministration et moi-même avons sous-estimé le poids de cette responsabilité particulière. Il sagit dune cessation dactivité amicale. Benoît Heitz a décidé de tourner la page et dune façon parfaitement loyale.
Pourquoi ne pas lavoir déchargé des relations avec les salariés actionnaires ?Ma règle a été de répondre à ce quil ma demandé et non pas de reprendre du service à son insu. Je nai pas conservé un rôle particulier dans lactionnariat salarié car je ne voulais pas que les gens se demandent qui était le patron.
Avez-vous cherché à le retenir ?Non. Benoît Heitz et moi avons des processus de décision assez proches. Avant quelle nait été prise, la décision pèse. Une fois quon a tranché, rien ne peut nous faire changer davis.
Y a-t-il eu entre vous des désaccords stratégiques ?Non. Il ny a eu aucune rupture stratégique depuis sa nomination. Quil sagisse du développement durable, de la croissance du groupe en Europe ou de la simplification de son organisation, Benoît Heitz a accéléré lapplication de la stratégie que jai mise en place. Il ny a pas eu, non plus, de désaccord sur le choix des hommes. Il a peut-être commis quelques erreurs de casting, moi aussi.
Après avoir incarné Eiffage, lui avez-vous laissé assez despace ?Je nai jamais cherché à bloquer ou entraver ses décisions. Nous étions en symbiose. Pendant vingt mois, il a dabord été directeur opérationnel. Il supervisait toutes les activités. Javais conservé les concessions et les services du siège. Jétais par ailleurs resté le symbole de lactionnariat salarié. Nous avons pensé que la préparation était suffisante.
Comment vivez-vous ce départ ?Je le vis mal. Le processus de succession à la tête dEiffage a été engagé il y a cinq ans. Quatre candidats avaient alors été présélectionnés. Parmi eux, Benoît Heitz, auquel javais confié des responsabilités européennes. Il a franchi cette épreuve avec succès. En 2005, jai donc proposé au conseil dadministration de le nommer. Il a été désigné à lunanimité.
Après cet échec, comment comptez-vous lui trouver un successeur ?Ce sera le rôle de la commission des nominations et des rémunérations du groupe avec le concours dune entreprise spécialisée dans le recrutement. Contrairement à ce que nous avions fait en 2002, nous serons amenés à examiner des candidatures internes et externes.
Vous assurerez donc lintérim
Oui, il semble peu probable que le successeur de Benoît Heitz prenne ses fonctions avant lété 2008. Toutefois, ma présence à la direction générale ne durera que quelques mois car les statuts dEiffage prévoient une échéance à lété 2009. Jaurai alors 65 ans. Ensuite, même si je ne suis plus directeur général, japporterai à mon successeur toute laide quil voudra.
Dans quelles conditions financières Benoît Heitz part-il ?Il sagit dune cessation amicale de contrat, donc dune démission. Néanmoins, il faut être honnête avec Benoît Heitz qui a vingt ans de maison derrière lui. Il part avec une rémunération brute de 1,940 million deuros (1,7 million net). La moitié correspond à une prime dancienneté, un quart à son bonus au titre de lexercice 2007 et le solde aux actions gratuites qui lui ont été attribuées en avril 2007 et qui ne seront jamais créées.
Et quelles sont celles de votre retour à la direction générale ?En 2007, ma rémunération brute se montera à 1,8 million deuros. Après les actions gratuites que jai perçues lan dernier, pour la première fois en vingt ans, je naurai plus ni stock-options ni actions gratuites. Le comité des rémunérations devrait même réduire ma rémunération en 2008 comme cela a été négocié lors de mon départ en avril.