• Le Nouvel Observateur a publié dans son numéro 1858 une enquête sur le financement des organisations syndicales. Texte original.

    « En vingt ans, le syndicalisme français a perdu la moitié de ses troupes. Et pourtant jamais les centrales n'ont été aussi riches. D'où vient cette manne ? Il y a l'argent blanc : les cotisations qui ne représentent aujourd'hui qu'un quart de leurs ressources. L'argent gris : les subventions de l'État et des organismes sociaux, qui se transforment souvent en argent noir et en emplois fictifs. Une enquête exclusive de Matthieu Croissandeau. »

    « Enquêtes de la Cour des comptes, mises en examen... ! Dix ans après la tempête qui s'est abattue sur les partis politiques, les syndicats sont à leur tour sommés de s'expliquer sur leur financement. Depuis le début de l'année, les affaires embarrassantes se multiplient. En janvier, c'est une caisse de retraite complémentaire, la CRI, qui est soupçonnée d'avoir rémunéré une trentaine de syndicalistes entre 1995 et 1999. Des emplois fictifs pour un montant de 34 millions de francs ! Il y a un mois, deux fédérations FO et CFDT sont mises en examen dans l'affaire de la Mnef pour « recel de détournement de fonds publics ». Là encore, la justice soupçonne la mutuelle d'avoir employé des permanents syndicaux. Des cas isolés ? Bien sûr, affirment les organisations qui se déclarent prêtes à faire la transparence. Et pourtant, comment expliquer qu'elles aient de moins en moins d'adhérents et de plus en plus d'argent ? En vingt ans, le syndicalisme français a perdu la moitié de ses troupes : à peine 8% des salariés aujourd'hui, contre 20%, en 1980. Les effectifs fondent dans les entreprises, mais les appareils, eux, ne cessent de gonfler. Selon Dominique Labbé, un chercheur spécialiste du mouvement syndical, la CFDT compterait aujourd'hui environ 8 000 permanents et la CGT près de 10 000 : « A elles deux, cela représente autant de personnes que tout le syndicalisme allemand ! » Comment payer autant de salariés ? Certainement pas avec l'argent tiré des cotisations. Il ne suffirait pas. En fait, les syndicats qui ne cessent de protester contre la tutelle étouffante de l'État vivent largement de ses subventions et de la gestion des organismes sociaux (assurance-maladie, etc.). Et cet « argent gris » vire parfois carrément au noir, lorsque certaines institutions acceptent de rémunérer des emplois fictifs. Aujourd'hui les confédérations syndicales ressemblent de plus en plus à de grosses PME de services. Elles louent des locaux à leurs fédérations, éditent des publications, possèdent leurs propres centres de formation, installés comme ceux de FO, de la CGT ou de la CFDT dans des demeures de la région parisienne. Ce foisonnement d'activités intéresse même depuis peu le fisc. Les syndicats, dont le statut est régi par une loi de 1884, ne sont pas soumis à l'impôt. Mais depuis le mois de janvier des spécialistes de Bercy planchent sérieusement sur la question.

    DE VÉRITABLES « COMPTES DE FÉES »...


    « Bon courage aux inspecteurs du fisc ! Car les comptes de ces PME pas comme les autres battent des records d'opacité. Par ignorance d'abord. Aucune confédération n'est en effet capable de présenter un bilan complet. « Nous n'avons pas de fichier central, explique Lydia Brovelli, trésorière confédérale de la CGT. C'est un sujet sensible, car chacune de nos fédérations s'estime propriétaire de ses adhérents. » En 1998, la centrale de Bernard Thibault a bien adressé à ses syndicats des questionnaires pour faire le point sur les cotisations. Le siège de Montreuil a reçu à peine... 20% de réponses. Restent alors les comptes de la maison mère : la confédération. La CGT et la CGC ont opté pour une relative transparence, la CFTC refuse de présenter son bilan. Et la CFDT a promis de faire la lumière. Quant à FO, c'est un mystère. Selon les éléments présentés à chaque congrès, la confédération de Marc Blondel récolterait plus de cotisations que la CDFT et la CGT réunies ! Mais l'ignorance n'explique pas tout. Les informations publiées par les syndicats sont volontairement floues. Des millions de subventions disparaissent dans des documents annexes. Et, bien entendu, inutile de chercher la trace - et pour cause - des milliers de permanents ou des locaux dont ils jouissent gratuitement. « Ce sont des comptes de fées », ironise Dominique Labbé. Comme si les syndicats voulaient faire croire qu'ils vivent essentiellement d'« argent blanc », c'est-à-dire de leurs cotisations. Or c'est impossible. Au total, selon nos calculs, les cinq organisations représentatives lèvent ensemble moins de 1 milliard de francs de cotisations par an. Sur la base des informations qu'elles nous ont fournies, la CFDT récolterait 340 millions de francs, la CGT 270 millions, la CGC 80 millions... Le flou entretenu par les centrales est bien compréhensible. Car il concerne directement les effectifs. Aujourd'hui les adhérents règlent leurs cotisations (50 à 70 francs par mois) par chèque au trimestre ou à l'année, voire par prélèvement automatique comme de simples abonnés de Canal+. C'est le cas à la CFDT de 80% des syndiqués. Cette concession à la modernité ne doit rien au hasard. Car si on ne les y contraint pas, les adhérents ne cotisent au mieux que huit mois sur douze. A la CFDT le problème est donc quasiment réglé, mais curieusement la centrale de Nicole Notat continue de raisonner comme si ses adhérents n'étaient pas débités tous les mois. Une astuce qui lui permet de diviser la somme de ses cotisations par 8 et non par 12. Et d'afficher en avril 808 581 adhérents et non pas 300 000 de moins. La discrétion des syndicats s'explique enfin parce que le système fonctionne mal. A Force ouvrière, par exemple, les arriérés de cotisations réclamés par la confédération à ses syndicats se montent à 30 millions de francs ! Chaque échelon a en effet intérêt à faire de la rétention. De la section d'entreprise à la confédération, chaque niveau intermédiaire (syndicat, union régionale, fédération...) prélève sa dîme. Plus les appareils sont gros, plus ils pressurent la base. Et il ne reste en définitive au syndicat local que 25% des cotisations. Un système pervers, selon Jacques Mairé, ancien opposant à Marc Blondel au sein de FO, passé il y a deux ans à l'Union nationale des syndicats autonomes (Unsa) : « Quand les niveaux supérieurs ponctionnent l'essentiel des ressources, le syndicat ne voit plus pourquoi il se fatiguerait à recruter de nouveaux adhérents. » Et puis le montant des cotisations n'a jamais suivi l'évolution des salaires ni des prix pour limiter l'érosion des effectifs. Il est aujourd'hui beaucoup trop faible pour subvenir aux besoins. Selon Dominique Labbé, les cotisations aujourd'hui ne représenteraient au mieux qu'un quart des ressources des organisations.

    L'ÉTAT VERSE PLUS AUX SYNDICATS QU'AUX PARTIS POLITIQUES


    « Faute d'« argent blanc », les syndicats se mettent alors en chasse d'« argent gris », c'est-à-dire de subventions légales. Mais ils prennent du coup le risque de sacrifier leur indépendance en collectionnant les deniers publics (voir tableau). Selon notre enquête, l'État consacre chaque année au moins 600 millions de francs à la vie syndicale, alors que le financement des partis, hors campagne électorale, s'élève à 520 millions de francs par an ! Les pouvoirs publics encouragent les adhésions. Depuis 1989, les syndiqués peuvent en effet déduire de leurs impôts 30% de leur cotisation : un manque à gagner pour l'État de 290 millions de francs par an. Certains ministères, passent à la caisse pour au moins 283 millions. Celui de Martine Aubry se taille la part du lion : près de 200 millions de francs par an. C'est aussi le plus discret : ses services que nous avons cherché à joindre sont restés muets sur la question. Il faut donc éplucher tous les documents budgétaires fournis avant le vote de la loi de finances pour retrouver la trace de ces subventions. A quoi servent ces aides ? « Essentiellement à la formation des délégués syndicaux, explique Lydia Brovelli de la CGT. Nous organisons chaque année 63 000 journées de stage pour quelque 15 000 militants. » « Ces aides se répartissent de la façon suivante, ajoute un autre syndicaliste. Les trois grandes confédérations, CGT, CFDT et FO, reçoivent 22% des sommes chacune. La CFTC, la CGC et la FEN reçoivent, elles, 11%. » Cette manne profite essentiellement aux syndicats dits représentatifs. Tant pis pour SUD ou la FSU pourtant majoritaire, devant la FEN, chez les enseignants. Il y a aussi les enfants gâtés, comme les syndicats du monde agricole ! Ils reçoivent de leur ministère près de 35 millions de francs par an. « Bercy voulait que l'on réduise ces sommes l'an dernier, confie-t-on chez le ministre Jean Glavany. Mais c'est un sujet hautement politique et nous avons tenu bon. » Tellement politique, même, que le ministère a revu à la hausse l'enveloppe de la Confédération paysanne de José Bové depuis ses exploits médiatiques, alors que la FNSEA recevait avant 90%. Les syndicats de la Fonction publique ne sont pas oubliés non plus. Les services du Premier ministre leur versent 12 millions de francs par an. C'est peu ? Oui, mais pour eux les aides dépassent de loin les seules subventions financières. Les fonctionnaires constituent en effet les gros bataillons du syndicalisme. L'État met à leur disposition plusieurs milliers de permanents. Combien ? Environ 4500, avait répondu au Parlement un ministre de la Fonction publique, en 1987. En réalité beaucoup plus. Chaque ministère, selon sa taille, a le droit d'offrir un certain nombre de postes. Cela, c'est la théorie. Mais en pratique ils sont plus généreux. Ainsi, selon le ministère de l'Education nationale, les détachements d'enseignants auprès des organisations syndicales correspondaient, conformément aux textes officiels, à 1518 emplois à plein temps en 1998. Un chiffre contesté, l'année dernière, par un rapport conduit par le sénateur RPR, Adrien Gouteyron. Selon lui, « le nombre de bénéficiaires d'une décharge syndicale partielle ou totale est d'environ 7 000 agents ». Le coût financier de ces emplois offerts par l'État, les villes et les entreprises publiques (voir encadré) est considérable. Sur la base de statistiques fournies par la CGT, Dominique Labbé s'est livré à un petit calcul : 288 permanents pris en charge par la collectivité permettraient à la centrale de Bernard Thibault d'économiser près de 100 millions de francs.

    LES ORGANISMES SOCIAUX PASSENT À LA CAISSE


    « Et ce n'est pas tout. La gestion de la protection sociale par les partenaires sociaux leur rapporte 340 millions de francs, selon notre enquête. Représentants syndicaux, mais aussi patronaux, siègent ainsi dans les caisses de retraite, d'assurance-maladie, d'allocations familiales, d'assurance-chômage... « C'est très lourd, explique Lydia Brovelli. D'abord parce qu'il faut trouver les gens, ensuite parce qu'il faut les former si on veut qu'ils soient compétents. » Les fonctions d'administrateurs sont bénévoles, mais les partenaires sociaux se sont entendus pour faire supporter aux organismes une partie des coûts. Et cela peut aller loin. Que penser du secteur de la formation professionnelle ? Depuis 1995, les « frais de paritarisme » des représentants syndicaux et patronaux ont été fixés par un décret ministériel à 1,50% de la collecte des fonds. Cela représente quand même 200 millions à se partager par an ! Autre exemple. « L'assurance-maladie consacre chaque année 48 millions de francs aux actions que mènent les partenaires sociaux pour la prévention des risques professionnels, explique le directeur de la Cnam Gilles Johanet. Elle prend aussi en charge, pour 21 millions de francs, le salaire de conseillers techniques et les stages de formation des administrateurs qui siègent dans les caisses. C'est une nécessité, car les dossiers sont très techniques. » Ces stages sont-ils réellement effectués ? Oui, pour la plupart. Mais les partenaires sociaux sont malheureusement brouillés avec les justificatifs de dépenses. « Et je ne me vois pas envoyer quelqu'un s'assurer de la bonne utilisation des fonds, explique un responsable du Groupe national de Contrôle, chargé de faire la police dans la formation professionnelle. C'est un sujet beaucoup trop politique et sensible. » L'Unedic, qui accorde 28,3 millions de francs par an aux syndicats et au patronat, s'est simplifié la vie. Elle ne vérifie rien. Mais le Medef menace de réserver les aides aux seuls signataires de la convention qui régit l'assurance-chômage. La CGT, qui appose rarement son paraphe, y perdrait près de 3,4 millions de francs par an !

    LES EMPLOIS FICTIFS DE LA PROTECTION SOCIALE


    « Plus malsain encore : les organismes paritaires acceptent d'héberger des emplois fictifs, en plus des nombreux permanents qui jouissent d'heures de délégation. D'« argent gris » on passe alors à « l'argent noir ». Ces postes sont parfois négociés au plus haut niveau. « Je me suis accordé un volant d'une dizaine de clandestins à ne pas dépasser, témoigne le directeur d'une caisse de Sécu. Mais attention, je le fais toujours dans l'intérêt de l'institution en obtenant en échange un soutien ou un accord pour faire passer un projet. Au regard des milliards gérés par les caisses de Sécu, ce n'est pas cher payé. A condition toutefois que cela reste rare et que cela ne vérole pas le système. » Seulement, ce n'est pas le cas. Certains de ces postes datent d'accords tacites reconduits depuis la Libération ! Avec le développement des affaires judiciaires, comme celles de la CRI ou de la Mnef, c'est la panique dans les caisses locales. « Actuellement, j'ai deux salariés mis à la disposition de la CGT, explique le directeur d'une caisse primaire d'assurance-maladie de province. Si j'avais dis non, c'était le bordel. Mais si la justice débarque je m'en prends plein la gueule. » Son cas n'est pas isolé. La Cour des Comptes a épinglé la Caisse de Paris, l'an dernier, pour une dizaine de mises à disposition complètement illégales. Coût : 3 millions de francs par an, selon nos informations. « Un minimum de deux emplois fictifs par caisse de Sécu me semble crédible », estime un autre responsable de province. Multiplié par 129 caisses, cela ferait 258 postes, soit près de 80 millions de francs par an ! Pas mal. Et le même scénario se reproduit aussi dans les caisses d'allocations familiales. Voire dans le monde opaque des retraites complémentaires, comme l'a montré l'affaire de la CRI. Les partenaires sociaux qui gèrent ce secteur ont d'ailleurs récemment bataillé ferme pour que la Cour des Comptes ne vienne pas éplucher leurs bilans. « Nous sommes un régime privé, se justifie Marc Vilbenoît, le vice-président CGC des caisses de retraite de cadres (Agirc). Le contrôle de l'État nous pose un problème existentiel et idéologique. » Beau souci d'indépendance ! Et pourtant. Que penser d'un syndicalisme qui lève moins de 1 milliard de francs et reçoit au moins autant d'aides et de subventions ? « Nous détenons plus de 20 000 sièges dans différents organismes, explique Jean-Luc Cazettes, le président de la CGC. Tout ceci a un coût. Il est donc normal que la collectivité apporte sa contribution. » À condition toutefois que les règles soient claires et transparentes. Aujourd'hui la CGT préconise une taxe sur la valeur ajoutée des entreprises ou sur la masse salariale. La CFDT, elle, réfléchit à un système généralisé de chèque syndical, que chaque salarié pourrait reverser à l'organisation de son choix. Mais ces propositions supposent que les partenaires sociaux fassent la preuve de leur légitimité. Et que l'État revoit les critères de représentativité. Difficile en effet de parler de démocratie sociale, lorsque cinq confédérations seulement ont le droit de faire acte de candidature et se dispensent du verdict des élections. Les organisations patronales et syndicales qui gèrent la Sécurité sociale au nom des entreprises et de leurs salariés ne sont en effet pas repassées devant les urnes depuis... dix-sept ans. »

    Matthieu CROISSANDEAU.

    Copyright © Le Nouvel Observateur.

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  • jeudi 16 septembre 2004 Politis n° 817
     
    La loi Aubry sur la réduction du temps de travail est remise en cause par le gouvernement. Déjà, des entreprises manient le chantage à la délocalisation pour faire accepter des régressions sociales à leurs salariés. Mais la question de « l’assouplissement » des 35 heures va plus loin qu’une simple affaire d’horaires. C’est une remise en cause du droit du travail qui se profile, justifiée, aux yeux du patronat, par le coût de la main-d’oeuvre occidentale, comparé à celui des pays émergents. Plus qu’à une question économique, nous sommes face à une question de civilisation.

    Qui a dit : « Il faut remettre la France au travail » ? Jean-Pierre Raffarin ? Nicolas Sarkozy ? Ni l’un ni l’autre, même si le sursitaire de Bercy a eu parfois des mots approchants. C’est Édouard Daladier qui a fait cette sortie. Et c’était en 1938. Le Front populaire était à l’agonie, et le chef du parti radical venait d’entrer à Matignon après un de ces renversements d’alliance dans la grande tradition de son mouvement.

    Remettre la France au travail après une « parenthèse » de gauche au pouvoir, c’est, si l’on ose dire, un classique de la lutte sociale. C’est évidemment dans ce cadre qu’il faut resituer l’offensive contre les 35 heures. Au cours des dernières semaines, le ministre délégué aux Relations du travail, Gérard Larcher, a rencontré ceux que l’on appelle les partenaires sociaux. Objectif : obtenir des « assouplissements » de la loi Aubry. L’euphémisme est évidemment très politique. Car, pour le Medef, il ne devrait pas s’agir d’assouplissements, mais bien d’une révision radicale de la loi. Entre des syndicats qui ne souhaitent pas une renégociation des 35 heures et un patronat qui rêve d’un retour en arrière pur et simple, l’aiguille du compromis risque surtout de s’arrêter sur le coût de l’heure supplémentaire. Sans remettre en cause officiellement les 35heures, le gouvernement pourrait rendre les heures supplémentaires quasiment indolores pour les patrons. Comment faire ? Il suffirait, comme Jean-Pierre Raffarin en a émis le voeu, d’étendre à toutes les entreprises le régime dérogatoire appliqué actuellement aux entreprises de moins de vingt salariés et le tour serait joué. Celui-ci permet de plafonner la majoration des heures supplémentaires à 10 % au lieu de 25 %. Le reste serait ensuite affaire de rapport de forces dans l’entreprise. Le chantage aux licenciements ou à la délocalisation pourrait placer les salariés devant une contrainte. Résumons : une heure supplémentaire dévalorisée et un chantage à l’emploi achèveraient de rendre obsolète la loi sans même que celle-ci soit officiellement remise en cause. Plusieurs entreprises n’ont d’ailleurs pas attendu un « assouplissement » de la loi pour imposer à leurs salariés un allongement de la durée réelle du travail. Bosch, Doux, Ronzat, pour n’en citer que quelques-unes, sont déjà passées à l’acte. Mais existe-t-il une fatalité ? Comment comprendre que la tendance historique à la baisse du temps de travail soit devenue d’un seul coup une incongruité économique ?

    En vérité, c’est un choix de société qui se profile derrière cet éternel débat. Et on pourrait dire que cette question constitue depuis plus d’un siècle une marque identitaire dans l’antagonisme droite-gauche. Dans la vision patronale, l’humain étant réduit à sa rentabilité, le travail jouit d’une connotation morale. Celui qui ne travaille pas ou travaille moins est un fainéant. En 1936, l’Action française conspuait le Front populaire rebaptisé « ministère de la Paresse ». En 2004, l’irrésistible dessinateur du Figaro, Jacques Faizant, croque une Marianne lisant la une de son journal « Assouplissement des 35 heures en marche ». « En marche, tu parles !, s’exclame la brave Marianne, comme je connais cette loi pour feignants, elle est bien capable de se faire porter ! » L’humour CGPME peut laisser perplexe, mais le trait est révélateur d’une certaine conception de l’humanisme. Le loisir, la culture, le temps libre, tout cela n’est que flemmardise. C’est le rendement et la productivité qui étalonnent la valeur humaine. Voilà l’indéracinable vision doctrinale d’une droite bornée.

    La réduction du temps de travail correspond au contraire parfaitement à une identité de gauche, dans toutes ses variantes. Ce n’est pas le travail en tant que tel qui est remis en cause ­ il est au contraire regardé comme constitutif des classes sociales, et a longtemps été assimilé aux notions de progrès ­ mais le double droit au travail et au loisir. L’émancipation est à la fois le fruit du travail choisi et de la liberté, c’est-à-dire d’abord de la possibilité économique de n’être pas réduit à lui. Ces deux pôles ont d’ailleurs pu s’incarner tout au long de l’histoire dans des familles différentes. La « première gauche » a toujours été plus articulée autour de la valeur travail. Tandis que ce qu’on appelait jadis la « deuxième gauche », héritière des socialistes utopistes, a quant à elle toujours insisté sur la société des loisirs. Les deux ont trouvé un creuset idéologique commun en lisant ou relisant Paul Lafargue, auteur en 1880 du fameux Droit à la paresse. Si le titre provocateur peut induire en erreur Jacques Faizant, le livre est un fait un plaidoyer pour la journée de huit heures. Lafargue estime que le surtravail fait des ouvriers « non plus des hommes mais des tronçons d’hommes ». Il revendique le droit au loisir sans nier la fonction du travail.

    Depuis plus d’un siècle, les gains de productivité dus à la mécanisation posent naturellement le problème de la réduction du temps de travail. Mais, depuis une vingtaine d’années, la mondialisation libérale brouille les pistes. La question du coût du travail se pose en termes nouveaux. La référence n’est plus seulement temporelle et historique, elle est aussi spatiale et géographique. Les gains de productivité ne se mesurent plus dans une société donnée, techniquement et socialement évoluée, ils se déterminent aussi en regard de sociétés dépourvus d’acquis sociaux. Autrement dit, les patrons veulent le beurre et l’argent du beurre. Ils veulent la technicité et la productivité occidentale et les coûts du travail en vigueur dans le tiers monde. Et les conditions de la concurrence internationale viennent bouleverser la donne. Faut-il pour autant en revenir aux dix heures de travail quotidiennes au prétexte que c’est ainsi à Hong Kong ou à Taïwan ?

    Plus que jamais la question du temps de travail pose une question globale de civilisation. Les consultations discrètes de M. Larcher et les pressions de M. Seillière ne doivent pas nous faire oublier qu’il s’agit toujours plus que d’un débat strictement économique.

    Lire l’ensemble de notre dossier dans Politis n° 817

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  • Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il définit en outre les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu. Le contrat de travail détermine également les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié.
       Le contrat de travail précise par ailleurs les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat. Le nombre d'heures complémentaires effectuées par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat.
       Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
       Le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
       Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
       Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document devant être transmis au salarié en vertu du premier alinéa.

       Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d'une période de quinze semaines, l'horaire moyen réellement effectué par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l'équivalent mensuel de cette durée, l'horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d'un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l'horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l'horaire moyen réellement effectué.

    Article L212.4.3 du code du travail

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    ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens)

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    "Il s'agit tout simplement de se réapproprier ensemble l'avenir de notre monde !"

     

    Toutes et tous à Vienne (Isère) le 27 octobre !

    En octobre 2004, la Confédération Paysanne organisait (avec 150 militants) une action syndicale contre la baisse du prix du lait sur un site de transformation de Danone à Saint-Just Chaleyssin en Isère. Lors de cette action, des produits laitiers avaient été récupérés puis redistribués aux habitants des Minguettes (quartier populaire de Lyon) en collaboration avec Divercité, une association locale.

    Suite à cela, plusieurs personnes ont été entendues par la gendarmerie mais seul Jean-Emile Sanchez, ancien porte-parole national de la Confédération Paysanne, est convoqué au tribunal correctionnel de Vienne le 27 octobre 2006 à 8h30.

    A l'appel du « réseau de convergences du mouvement social » ce procès sera l'occasion d'organiser une mobilisation nationale autour de quelques grands thèmes comme la réappropriation et la répartition des richesses, le droit au revenu ainsi que le refus de la répression et de la criminalisation des militant-e-s. Pour rappel, ce réseau a pour objectif de mettre en place un cadre horizontal mutualisant informations, réflexions et actions des acteurs et actrices du mouvement social.

    Attac-isère sera présent et vous invite à participer à cette journée d'action.

    Un départ est organisé le 27 octobre à 11h à l'Esplanade.

     

     

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    Liste d'information d'ATTAC Isère - attac38@attac.org

    une question technique ? web.attac38@attac.org

    IMPORTANT ! Adhérents internautes diffusez SVP ces infos auprès

    des adhérents et sympathisants qui n'ont pas accès au Ouèbe.

    Attac 38 vous remercie pour votre aide.


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